Editorial Brochure Festival 1997
Que nous donne-t-on à voir ? Dans quels lieux nous est-il permis de penser sans en faire une histoire ? En ces temps où règnent les improvisations de l’urgence, légitimes certes, car la dignité humaine est la priorité des priorités. Les danseurs sont au cœur de cette mouvance. Ils en sont même les vases communicants … Je veux dire qu’ils sont à l’écoute du moindre signe qui surgit ça et là lorsqu’il s’agit de redonner à l’homme sa dignité culturelle.
Le Festival s’ouvre sur l’Espagne et se conclut par le Portugal. Pays de proximité, prêts à tous les sacrifices pour échanger leur culture ; fous de désir d’exporter leurs trouvailles chez leurs voisins européens qui furent dans les années 80 les aventuriers de la danse – devenue depuis contemporaine -. La France notamment, et la multitude de chorégraphes qui suivirent les traces de Jean-Claude Gallotta, Maguy Marin, Pina Bausch, Dominique Bagouet… pour n’en citer que quelques uns.
L’Espagne ouvrira donc le Festival. Vicente Saez vient du Sud, là où la lumière est belle et la tradition sacrée. Une Vierge de l’Assomption ! Mère, protectrice, nourricière … comme le sont les déesses de la mythologie, sous toutes les latitudes.
Le Portugal conclura. A l’inverse de l’Espagne, Paulo Ribeiro joue les iconoclastes et règle ses comptes avec les traditions rigides. Il nous met à l’épreuve de la grâce amoureuse, sans se prendre au sérieux.
Entre les deux, des compagnies françaises qui ont su garder l’espoir des moments d’échange, saisissant au passage les plus fines inventions chorégraphiques sans mot, sans bruit, telle Olivia Grandville qui apprit de Bagouet que les corps pouvaient parler jusqu’au bout des doigts. Fabrice Ramalingom et Hélène Cathala furent de l’aventure. Ils en ont gardé des images éphémères , poétiques et tendres. Ils sont aujourd’hui trois chorégraphes invités du Festival Plurielles. Ce qualificatif est plus que jamais un rendez-vous.
Pour la première fois, les danseurs contemporains auront l’occasion de rencontrer la danse hip-hop. La danse de la rue… sur un plateau de Théâtre. Oh certainement pas pour verser dans la mode, mais pour relier les uns aux autres. Pour qu’ils se disent ce qu’ils ont à se dire. Une rencontre avec une journaliste de la danse introduira ce dialogue.
Entre temps, on s’intéressera bien sûr à d’autres jeunes compagnies. Christiane Blaise et sa belle histoire de grand-mère. Dominique Rebaud sur les traces d’un roi Ubu plus que jamais dérisoire. Enfin, la jolie Pascale Houbin à qui nous offrons deux jours du Festival en deux lieux différents : au Théâtre et à La Commanderie. Emouvante tentative de cette danseuse qui porte la langue des signes jusqu’au mouvement de la danse ; le langage des sourds en un lieu qui fut jadis le havre de marcheurs silencieux sur les chemins de Saint-Jacques.
Au carrefour de ces rencontres : une exposition de Laurent Lafolie et le public. Il n’y a pas de danse sans ceux qui la regardent. Ceux-là sont de plus en plus jeunes et trouvent en quelque sorte dans cet art ce qu’ils y apportent, sans se soucier de ce qu’il y a à comprendre. Ils croisent au passage ces danses éphémères pour glaner çà et là quelques instants de plaisir volés à la vie, sans savoir exactement où mènent les chemins et qui les conduira.
Demain, où seront-ils ?
Michel Vincenot
8 Janvier 1997