Éloquence du silence, transparence des peintures-collages de Inge Kresser. Le même silence peut être lu par la danse ou pour la danse. Si les couches biologiques de la matière se superposent entre la peau, l’organe et le squelette, le corps tentera à tout moment de transformer cette architecture primordiale en un lieu de poésie.

Poésie d’un parcours qui agence, dans l’albâtre de la cathédrale de Jaca, le proche et le lointain, la suspension et le poids, la couleur enfouie et la couleur qui surgit.
Et puis, le creux nécessaire laissé derrière elles, à la façon des sculptures de Giacometti, ouvrant aux autres l’espace du corps pour se laisser habiter par celui qui se risque à les traverser. Les œuvres de Inge Kresser ouvrent derrière elles le vide paradoxal de la liberté de penser, mais aussi de traverser sans cesse les couches longuement élaborées par le vivant. Le vent, l’air, l’incolore détiennent le secret d’en restituer les nuances.

Les fils de soie, pénétrant le papier, ou, suspendus au dessus des encres, sont la mémoire du corps devenu translucide quand il se découvre, soudain, atteint par la lumière. Une dialectique du poids et de la légèreté aérienne, de la clarté qui joue avec l’invisible.

«Il faut un corps parce qu’il y a trop d’obscurité … Il faut un corps pour obscurcir la trop grande clarté.» dit Daniel Dobbels.

Dans les couches superposées de soies et de papiers, la lumière remonte par capillarité de la strate la plus lointaine. Sous les pliures répétées du corps, la trace de la couleur émerge du vivant qui propage son énergie, sans contour, sans limites probables. Le danseur Saburo Teshigawara traverse ces états-là : «Il s’agit de rendre perméables mes propres limites à celles des autres.», dit-il.

Et quand la déchirure se fait criante, c’est la soie qui calme le jeu. Elle invite au transfert d’énergie, d’un poids à l’autre, d’un état de conscience à l’état du contact (le collage), pour absorber la souffrance devenue insupportable.
Demain, il nous sera donné d’ouvrir les yeux sur la lumière du jour naissant, la mémoire du vivant.

Pour Inge Kresser,

Michel Vincenot
13 mars 2002

Peinture et photographie Inge Kresser

Share This