Dix ans de festival, dix ans de fidélité des publics autour de rencontres aussi diverses que le sont les compagnies de danse accueillies depuis la création de ce festival.

Il nous a fallu partir en transhumance pour percevoir le moindre signe qui sollicitait à tout instant notre regard sur les engagements que nous proposaient les danseurs. «Le souci de la danse contemporaine est de toujours préserver cette sorte d’en-deçà, une richesse inouïe où le corps, avant d’avoir affaire à quelque chose de trop imminent, de trop définitif, aurait la possibilité de choisir plusieurs voies, avant de se confronter à ce moment ultime.» Ces mots de Daniel Dobbels, lors de sa conférence le 12 mars, nous rappellent que dans l’en-deçà du corps, avant même que nous ne prenions conscience du champ ouvert dans lequel la danse nous entraîne, il convient de se poser cette question : de qui sommes-nous effectivement les contemporains ?

Par la multiplicité des approches, c’est toujours à notre inconscient que la danse s’adresse pour retrouver la prééminence du geste, cet instant à la fois créateur et ce moment ultime où la danse, quand elle apparaît, peut engendrer la parole. Au passage, le corps traverse des champs inexplorés qui nous renvoient sans cesse à notre façon d’être. Depuis qu’elle existe, la danse contemporaine s’est toujours souciée de l’Histoire dans laquelle elle est née. Elle est toujours restée ouverte à la perception du moindre signe qui aurait mis en cause, dans le silence ou dans la révolte, l’intégrité du corps. Et surtout du corps d’autrui lorsqu’il est mis en danger.

L’en-deçà de la danse existe bel et bien dans notre façon d’être présents au monde, avant même que la conscience du geste, de la posture, de l’attitude, ne mette nos corps en mouvement. Il y a en effet quelque chose d’éminemment politique dans le fait de danser. Oser la danse, c’est pervertir les situations conventionnelles de notre corps soumis aux règles de la vie sociale.

En ce dixième anniversaire, il était donc nécessaire de se reposer la question : « de qui sommes-nous les contemporains ?», alors que nous réinvitions les danseurs qui s’étaient déjà produits sur notre plateau. Les publics eux-mêmes ont changé. Les premiers ont cheminé avec nous au fil des propositions diverses, parfois opposées. Les plus jeunes sont venus après et ont favorisé une plus large découverte de la danse ces trois ou quatre dernières années.

L’acte de confiance qui nous est fait nous touche, bien sûr, mais il ne vaut que s’il est participatif d’un réel engagement, dans l’émergence de la conscience qui témoigne, au-delà de l’artistique, d’une volonté de ne jamais soumettre le corps à l’anéantissement. C’est, pour la danse, le seul moyen de trouver «le mouvement juste».

Merci à vous, publics, merci aux danseurs, techniciens, cuisinières et bénévoles.

Le 21 décembre prochain, c’est avec Merce Cunningham (en partenariat avec le Parvis de Tarbes) que nous débuterons la saison de la nouvelle Scène conventionnée danse-théâtre.

 

Michel Vincenot
5 avril 2003

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