Performance à l’Université

Il est midi à l’Université, l’heure du zénith et l’heure d’aller manger. Un «passage» au creux de la journée. L’heure n’est pas à la philosophie (quoique !) mais aux retrouvailles naturelles. Le temps de franchir un escalier et de le redescendre. Un entre-deux, au fond, comme sait l’investir la danse.

Tantôt dressée, tantôt lovée entre l’obstacle et les passagers affamés, Latifa Laâbissi, imperturbable comme d’habitude, se glisse, revient et disparaît.

Où est-elle donc passée ? Le temps d’alerter quelques distraits rôdés au parcours quotidien des files d’attente d’un restaurant universitaire. Le temps, disais-je, de mettre en garde ceux qui se prennent les pieds dans une ficelle – obstacle inhabituel du parcours du combattant -, la danseuse était là et soudain elle est ailleurs. Dans la danse, la disparition questionne toujours les comportements automatisés. Douce perturbatrice des habitudes, Latifa improvise en ces lieux devenus quelconques.

Justement, ce qui nous importe ici, ça n’est pas tant la danse, mais «le quelconque», potentiellement disponible à un événement qui peut surgir à tout instant. Non pas pour surprendre, mais pour fixer l’intensité du temps comme une présence secrète entre deux états du moment, entre deux étages. Le temps d’effleurer des corps et d’y glisser une attention discrète pour installer une présence au creux de l’être.

Entre la montée et la descente d’un ascenseur apparaît parfois l’image furtive d’un visage que l’on ne connaît pas. La mémoire a fixé l’apparition soudaine, puis la disparition de l’inconnu rencontré par hasard. Vraisemblablement, il ne laissera qu’une trace fugitive. Mais au passage, il aura déplacé nos frontières et investi notre temps.

 

Michel Vincenot
28 février 2000

Distribution

 

Performance Latifa Laâbissi

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