Wanted, à l’étape d’une recherche où la danse transite par les territoires de chacun des interprètes. Le fil tissé traverse ainsi le corps dans ses formes et ses approches singulières. Wanted, corps en explorations, à l’écoute de l’espace qui appelle le devenir d’un temps commun, pour faire éclore le désir des plus fines qualités que préserve chacun des danseurs… Tant que le moment n’est pas encore venu de projeter, au-delà même de sa propre image, la ligne de force qui relie entre elles des singularités.
Wanted, ça n’est pas tant l’individu recherché, c’est l’expression de la danse sous tous ses profils. Le «portrait-robot» n’ira donc pas débusquer le coupable d’une quelconque trahison. La danse ouvrira, au contraire, le creux de l’être. Et chacun des corps se laissera traverser par l’étrangeté. Dès lors que la danse transite de territoire en territoire, elle est livrée à la conscience de tous et aux itinéraires des autres.
C’est en cela que le lien se fait universel. C’est en cela qu’il parvient à atteindre au plus secret le territoire réservé du spectateur, en d’autres lieux et en d’autres temps. La danse, en effet, rend les corps transparents, vibratoires, après qu’ils aient traversé le poids, la gravité et la hauteur. Réalités incontournables.
La façon dont s’opèrent les séparations et les rencontres préservent l’espace de chacun et relie mystérieusement aux autres. Une jambe qui passe au-dessus d’un corps étendu est une attention. C’est pour habiller, protéger, contenir le corps de l’autre. C’est tout le contraire du mépris. L’un ramassé, l’autre dans ses signes des doigts, et la dernière dessinant un chemin qui relie les espaces de tous.
Doigts écartés, les yeux traversent l’opacité ; le flux est adressé à d’autres regards. Le chemin de ronde du mouvement rassemble l’air et la peau ; signe pétri dans la profondeur du corps. Mais le chemin rassemble aussi des états inconciliables : corps en retrait, corps étendus, corps inclinés, corps vers le haut.
Et d’échange en échange, les petits secrets sont partagés dans le creux de l’oreille. Cette connivence met les interprètes en mouvement et fabrique la danse telle qu’on ne l’attendait pas.
De lignes de fuite en lignes d’horizons, la danse diffuse les corps dans les directions latérales. Celles-ci, justement, nous intéressent particulièrement car elles ouvrent aux espaces étrangers. Traverser les murs, rejoindre l’inaccessible à travers l’organique et la compacité.
D’habitude la marche se fait au-devant, dans la direction de la vision, depuis l’endroit rassurant où les perceptions sont maîtrisées. Ici, on accepte que d’autres états de corps déstabilisent les situations. Le déséquilibre sur le côté dessine le mouvement de la danse. Et le tremblement du corps fait écho aux vibrations de l’air, cette petite chose invisible qui met en péril la gravité. Tout comme la musique et le chant lorsqu’ils viendront plus tard, ainsi qu’une quatrième danseuse. Ils trouveront dans cet espace-là le champ ouvert à toutes les investigations d’une humanité «recherchée», vue de face, de dos ou de profil, à travers le prisme fragile et lumineux du verre.
Michel Vincenot
17 décembre 2000
Distribution
Chorégraphie Thierry Thieû Niang
Danse :
Clara Cornil
Anne-cécile Drouillard
Christophe Le Blay
Thierry Thieû Niang
Chant Joddy Pou
Guitare François Lasserre
Lumières Philippe Didier
Sculptures Didier Tisseyre
Création Théâtre de l’Olivier janvier 2001