Les étudiants de l’Ecole Supérieure d’Art et de Communication investissent la totalité du Théâtre Saragosse à Pau (Espaces Pluriels) et le transforment en un lieu étrange où resurgit l’histoire des artistes et des publics qui l’ont fréquenté.

 

Un théâtre est par nature un espace de l’éphémère.
Les artistes y font naître et exister leurs créations, et lèguent en héritage aux visiteurs anonymes des perceptions inouïes, des impressions inédites, qui seront peut-être perdues à tout jamais, mais qu’ils emportent avec eux, quoiqu’il en soit.

Qu’en feront-ils ? Personne ne le sait vraiment.
On pressent simplement qu’une parole en mouvement leur a été transmise, et qu’ils en feront autre chose.

Le vide laissé après le départ des uns (les artistes) et des autres (les publics) nous rappelle incessamment que le théâtre garde en ses murs la trace invisible de ces instants passés.

Lorsque les étudiants de l’ESAC réinvestissent ce vide, leurs installations ravivent le sentiment du passage fugace et la mémoire qu’il en reste. Ils refont l’histoire dans l’autre direction et inversent notre regard.

Celui du spectateur est désormais ouvert sur l’espace de la cité, là où les arts prennent leurs racines.
Les œuvres ne sont plus seulement le fait de l’acteur qui donne à voir et à entendre, mais du spectateur qui projette sur le plateau ses désirs de création échangés avec ceux de l’artiste, dans des flux à double sens, dirigés de la scène au public et du gradin à la scène.
L’accès à la création n’est plus un parcours normalisé par lequel on entre et on sort, mais un trajet spatialisé, tendu entre le haut et le bas, où chacun est invité à trouver son propre chemin.

Côté artiste, c’est d’abord “la loge d’avant la scène” qui importe, pour y rassembler dans le silence ses forces, son imaginaire et ses repères intimes, afin d’offrir au spectateur d’un jour une présence hors du commun.
Présence accrue qui demeure quotidiennement en des endroits secrets du plateau où les visages mystérieux d’hier relient entre elles les générations de comédiens, de danseurs et de publics qui s’y sont succédé.

L’universalité du théâtre, c’est tout cela à la fois. Mais c’est aussi l’aventure singulière d’hommes et de femmes qui composent le temps présent sur les projets de jadis. Écrits à la craie éphémère, ils sont voués à disparaître pour ouvrir d’autres perspectives et laisser place aux engagements de demain. Ainsi, l’œuf aux formes parfaites et complexes, placé au centre de l’action, est le principe même de la destruction et du recommencement.
Il reste le symbole universel de la naissance et de la disparition, sans cesse renouvelées.

 

Michel Vincenot
Espaces Pluriels
30 novembre 2008

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